Le statut d'intermittent du spectacle

Histoire d’un régime d’indemnisation et de son évolution au fil du temps.

« Ce n’est pas un statut, c’est un régime d’indemnisation ! »

Le statut d’intermittent du spectacle est une expression aujourd’hui couramment admise. Et, elle est inappropriée. Un intermittent du spectacle est un salarié à employeurs multiples qui cotise à toutes les caisses. Et exactement comme tous les salariés, ses périodes d’inactivité professionnelle se soumettent aux règles d’un régime d’indemnisation de l’Assurance Chômage. Avec son règlement général et ses règles particulières appelées annexe 8 et annexe 10 pour les intermittents.

Depuis de nombreuses années pourtant, on emploie cette expression pour définir le régime d’indemnisation particulier des intermittents du spectacle. Eux-mêmes l’emploient régulièrement dans leur langage courant. Y compris lorsqu’ils font entendre leur voix  à l’occasion de l’expression de leurs revendications.

Statut intermittent du spectacle : révision régulière

La révisions des règles est régulière. Elles s’adaptent aux mutations de nos sociétés (ex : création du régime auto-entrepreneur/micro-entreprise), corrigent les anomalies (hélas nombreuses). Et elles permettent au « statut intermittent du spectacle » unique au monde d’exister.

Le 14 mai 2014, l’Unédic publie une modification profonde applicable au 1er juillet 2014. Devant la levée de bouclier, le gouvernement gèle certaines décisions et crée une commission chargée d’évaluer l’emploi intermittent. Cette commission s’attache à évaluer les conséquences des propositions faites par d’autres organisations qui connaissent parfaitement le sujet.

2016 puis 2020 marquent un changement !

En juin 2016, le gouvernement annonce la publication d’un décret courant juillet. Les termes exacts restent à préciser (voir détails de l’accord à la fin de cette page). Sans accord sur les négociations globales, la convention de 2014 se prolonge au-delà du 30 juin 2016. En revanche, l’accord unanime du 28 avril 2016 sur les annexes 8 et 10 (et donc les intermittents du spectacle), est mis en application par décret gouvernemental.

En 2018, des ajustements à la marge interviennent. Mais la grande crise sanitaire de 2020 et la mise en place de l’année blanche provoquent des modifications profondes. Et radicales à l’avantage des bénéficiaires.

Le statut d’intermittent du spectacle dans l’histoire

1936. Les producteurs de cinéma peinent à trouver de la main d’œuvre technique qualifiée. Le Front Populaire élabore le régime intermittent à employeurs multiples pour techniciens et cadres du cinéma. A l’époque, les artisans ou les ouvriers en peinture, menuiserie, costume, décoration, etc… privilégient les emplois fixes à rémunération constante. Et refusent les emplois sur des périodes courtes et ponctuelles.

Statut intermittent du spectacle - Histoire

La création de ce régime spécifique pour l’emploi intermittent incite alors quelques professionnels à accepter. Ils accceptent alors, sans peur du lendemain, d’être salarié sur des projets de cinéma pendant quelques semaines. Parce qu’ils perçoivent une indemnité leur permettant de vivre décemment tout en restant disponibles pour de nouveaux projets. Et ils sont rémunérés au cachet intermittent.

25 ans plus tard, des dispositions équivalentes entre en vigueur. Elles concernent les artistes et les techniciens du spectacle. Ce sont les fameuses annexes 8 et 10 au Règlement Général de l’Assurance-Chômage (Assedic intermittent). Dès lors, elles ne bougeront plus.

1992 : première ombre portée sur le statut d’intermittent du spectacle

C’est au début des années 90 que pour la première fois on relève un déséquilibre économique. On s’en inquiète. Pourtant il faudra plus de dix ans pour que de premières mesures concrètes voient le jour. L’annexe 8 et l’annexe 10 restent en vigueur. En revanche, leurs règles de fonctionnement changent profondément.

2003 : Un protocole qui rend incompréhensibles les conditions d’accès au statut d’intermittent.

Le protocole de 2003 rend plus difficiles les conditions d’accès au régime d’indemnisation d’intermittent du spectacle. Et surtout beaucoup plus confuses. Les grands mouvements de grèves qui s’ensuivirent marquent encore les esprits aujourd’hui. Amendé en 2006, ce protocole est d’une rare complexité. Ce qui explique qu’une solution intégrée telle que Mes Cachets voit le jour quelques années plus tard.

Hiver 2013-2014 : Renégociation des règles d’admission et d’indemnisation des intermittents

Les partenaires sociaux doivent se réunir pour redéfinir ensemble les règles qui régissent le fonctionnement du statut intermittent du spectacle. En avril 2013, une commission parlementaire chargée d’étudier l’emploi intermittent publie un rapport. Il fait un ensemble de recommandations qui visent à réduire le déficit du Pôle Emploi intermittent du Spectacle. Déficit qui s’avère ne pas être aussi important qu’annoncé par les détracteurs de l’emploi intermittent.

Mars 2014 : Texte de l’accord Unédic 2014.

De nouvelles règles pour les intermittents qui doivent encore être approuvées par le Ministre du travail.

Article 5 – Bénéficiaires relevant des annexes 8 (ouvriers et techniciens de l’édition d’enregistrement sonore, de la production cinématographique et audiovisuelle, de la radio, de la diffusion et du spectacle) et 10 (artistes du spectacle)

a) Dans le prolongement du protocole d’accord du 26 juin 2003 relatif à l’application du Régime d’Assurance Chômage aux professionnels intermittents du cinéma, de l’audiovisuel, de la diffusion et du spectacle, les taux de contributions sont fixés de la manière suivante :

  • taux des contributions destinées au financement de l’indemnisation résultant de l’application des règles de droit commun de l’assurance chômage : 6,4% réparti à raison de 4% à la charge des employeurs et 2,4% à la charge des salariés ; conformément à l’article 3 de la convention du 6 mai 2011 et à l’article 44 du Règlement Général, la part de la contribution à la charge de l’employeur est majorée pour les contrats à durée déterminée, en fonction de la durée du contrat et du motif de recours à ce type de contrat ;
  • taux des contributions destinées au financement de l’indemnisation résultant de l’application des règles dérogatoires et spécifiques fixées par les annexes 8 et 10 : 6,4% réparti à raison de 4% à la charge des employeurs et 2,4% à la charge des salariés

Apparition de règles spécifiques

b) Dans un souci d’équité entre les demandeurs d’emploi, les règles spécifiques d’indemnisation des salariés concernés par les annexes 8 et 10 sont précisés comme suit :

  • le cumul entre revenu d’activité en cours d’indemnisation et indemnités versées par le régime d’Assurance-Chômage ne peut excéder 175% du plafond mensuel de la Sécurité Social visé à l’article L.241-3 du Code de la Sécurité Sociale, soit 5475,75 euros bruts mensuels.
  • En 2014, pour un intermittent du spectacle en cours d’indemnisation, le cumul entre revenu d’activité perçu et allocations versées ne peut dépasser 1,4 fois (140%) le plafond mensuel de la sécurité sociale, soit 4 381 € bruts en 2014. Les jours d’allocations qui ne sont pas versés en cas de dépassement de ce plafond décalent d’autant la fin de l’indemnisation.
  • En 2016, le taux passe à 118% du plafond mensuel de la Sécurité Sociale.

c) Les parties signataires du présent accord demandent à l’État d’ouvrir avant la fin de l’année 2014 une concertation sur les moyens de lutter contre la précarité dans les secteurs visés par les annexes 8 et 10, notamment en favorisant le recours au CDI, ainsi que sur la liste des emplois concernés. Cette concertation inclura les représentants des salariés et des employeurs de ces secteurs.

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Intermittents : les grandes dates de la concertation en 2014 – 2015

22 mars 2014 : trois syndicats (CFDT, FO, CFTC) et les organisations patronales (Medef, CGPME, UPA) signent un accord. Il fixe de nouvelles règles pour l’assurance-chômage des intermittents du spectacle

19 juin 2014 : le Premier ministre Manuel Valls lance une mission de concertation. Elle doit définir « un cadre stabilisé et sécurisé » pour les intermittents du spectacle. En parallèle, il annonce la prise en charge par l’Etat de la neutralisation du différé d’indemnisation. Ce différé est prévu par l’accord du 22 mars 2014

24 juin 2014 : dans sa lettre de mission, le Premier ministre détaille les objectifs de la concertation. Il la confie à Jean-Patrick Gille, député. À Hortense Archambault, ancienne directrice du Festival d’Avignon. Et à Jean-Denis Combrexelle, ancien directeur général du travail

3 juillet 2014 : la mission de concertation annonce son calendrier de travail. Elle parvient à mettre autour de la même table l’ensemble des représentants de l’Unedic. Et y ajoute les fédérations professionnelles du secteur.

Mission de concertation

10 juillet 2014 : première réunion de la mission de concertation. Au programme : la lutte contre la précarité de l’emploi et la sécurisation des parcours professionnel

14 octobre 2014 : publication au Journal Officiel du décret du 13 octobre 2014. Il est relatif à la prise en charge financière par l’Etat du différé d’indemnisation applicable aux intermittents du spectacle

19 décembre 2014 : Fleur Pellerin réunit le Conseil national des professions du spectacle. « Je me battrai aux côtés des artistes, des créateurs et des professionnels de la culture pour affirmer la place de la culture au cœur de notre ambition politique ».

7 janvier 2015 : remise du rapport de la mission de concertation au gouvernement chargée d’évaluer l’emploi intermittent. « Ce document ne veut pas être un énième rapport proposant une réforme clé en main de l’intermittence ». « Néanmoins, il propose une méthode, fondée sur le dialogue social, expérimentée au cours de la mission mais qui reste à finaliser », concluent les auteurs.

7 janvier 2015 : le Premier ministre annonce une série de décisions pour « bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle »

La négociation UNEDIC 2016 – Les termes d’un accord qui change tout.

Grâce à l’article 34 de la loi du 17 août 2015, les négociations spécifiques (négociations de branche) relatives aux annexes 8 et 10 se déroulent en parallèle des négociations interprofessionnelles. C’est une première dans l’histoire de l’UNEDIC. Ce sont donc des spécialistes du sujet qui vont négocier. Voilà qui est nouveau. Jusqu’à présent, les règles des annexes 8 et 10 étaient négociées par les organisations globales. Organisations plus compétentes en sidérurgie qu’en production de spectacle. D’où les erreurs grossières des années passées.

Cependant, le résultat de ces discussions doit s’inscrire dans des limites déterminées par une lettre de cadrage élaborée par le MEDEF dont le vice-président dirige l’UNEDIC (organisme paritaire, l’UNEDIC est présidée alternativement par un représentant des syndicats membres).

28 avril 2016 : Après une négociation constructive, un accord est trouvé, autour des règles d’assurance chômage propres aux artistes et techniciens intermittents du spectacle. Cet accord a été signé entre tous les représentants employeurs et salariés du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel : FESAC côté employeurs, et les fédérations CGT, FO, CFTC CGC et CFDT pour les syndicats de salariés conformément à la loi du 17 aout 2015. Il y a donc UNANIMITÉ. Cet accord est salué par le premier ministre qui rappelle que « désormais, comme le prévoit la loi, il appartient au comité d’expertise mis en place de procéder au chiffrage précis de l’impact financier de l’accord. Les conclusions de ce comité seront rapidement portées à la connaissance des partenaires sociaux interprofessionnels qui négocient actuellement les règles générales du régime d’assurance chômage. »

Le gouvernement s’engage

23 mai 2016 : Publication d’un avenant précisant certaines règles de l’accord du 28 avril.

24 Mai 2016 : Selon le comité d’expertise, l’accord du 28 Avril représenterait une économie comprise entre 80 et 100 millions d’euros. Si l’on y ajoute les 80 millions d’euros du fond de soutien promis par le gouvernement, on atteint presque le montant de 185 millions d’euros fixés par le Medef dans la lettre de cadrage.

30 mai 2016 : Le gouvernement s’engage aux côtés des partenaires sociaux pour la mise en œuvre rapide de l’accord du 28 avril 2016 (voir le communiqué de presse ici).

Quatre mois d’échanges

16 juin 2016 : Après quatre mois d’échanges, les organisations patronales et syndicales, gestionnaires de l’Unédic, ont acté l’échec des négociations sur la nouvelle convention qui régit les règles d’indemnisation des chômeurs. Comme annoncé, le gouvernement décide, dès l’annonce de cet échec, de mettre en application l’accord du 28 avril dès le 1er juillet 2016 par publication d’un décret à la mi-juillet. Et dans ce texte, voici ce qui figure.

  • 507 heures sur 12 mois pour tous artistes et techniciens
  • prise en compte des heures d’enseignement données, pour tous, artistes et techniciens,
  • neutralisation des effets des congés maternité sur le niveau d’indemnisation,
  • début de prise en compte des arrêts maladie pour affection longue durée,
  • meilleur accès à la règle de maintien de droit jusqu’à l’âge de la retraite,
  • suppression des abattements pour frais professionnels,
  • augmentation des cotisations patronales,
  • abaissement du plafond mensuel de cumul allocations et salaires à 3 800 euros (140% > 118% du plafond Mensuel de la Sécurité Sociale).

23 juin 2016 : Incapables de s’entendre, les syndicats employeurs employés constatent l’échec des négociations.

Prolongation par décret

30 juin 2016 : Le gouvernement prolonge la Convention 2014 par décret.

13 juillet 2016 : Publication du décret n° 2016-961 entérinant les règles convenues lors de l’accord du 28 avril 2016 et l’avenant du 23 mai 2016.

21 juillet 2016 : Huit jours ! C’est le temps record qu’il aura fallu à l’Unedic pour publier la Circulaire n°2016-25 précisant les conditions d’applications du décret. Elle avait eu besoin d’un an et demi (soit 550 jours) pour publier cette circulaire lors de la mise en place de la Convention 2014 :

« La présente circulaire précise les conditions de mise en oeuvre des annexes VIII et X issues du décret n° 2016-961 du 13 juillet 2016 publié au Journal Officiel du 14 juillet 2016. Elle présente les règles à mettre en oeuvre à compter du 1er août 2016 pour les admissions ou réadmissions prononcées au titre des annexes VIII et X de la convention du 14 mai 2014 relative à l’indemnisation du chômage. Elle annule et remplace la circulaire n° 2016-08 du 27 janvier 2016. »

Entrée en vigueur

1er août 2016 : Entrée en vigueur de la Circulaire pour les intermittents du spectacle dont la fin de contrat de travail ayant permis de déterminer une période de référence est postérieure au 1er août.

18 décembre 2016 : Mise en application par l’Assurance-Chômage de certaines règles (réputées impossibles à mettre en place dans le délai initial). Et à partir du 19 décembre, l’application rétro-active des franchises Congés Payés et Salaires, ainsi que le changement d’annexe pour les réalisateurs génèrent l’édition de notifications rectificatives. Ce qui sèment l’incompréhension parmi de nombreux allocataires. Cliquez ici pour lire l’explication.

14 avril 2017 : Signature de la Convention 2017 relative à l’assurance chômage. Ainsi, les syndicats d’employeurs et d’employés qui s’étaient quittés sur un échec en juin 2016 trouvent enfin un accord. Les annexes VIII et X au réglement général déjà en vigueur s’attachent.

1er juillet 2017 : Entrée en vigueur de la suppression de l’abattement à partir des paies pour les Intermittents du spectacle relevant de l’annexe 10. Il n’est plus possible d’appliquer l’abattement pour frais professionnels sur les bases de calcul des cotisations d’assurance chômage (AC) et d’association de garantie des salaires (AGS). En revanche, pas de changement pour l’Urssaf et Audiens. Mais dorénavant, c’est le salaire brut qui compte lors du calcul de l’Allocation Journalière.

Publication de la circulaire

7 février 2018 : Publication de la Circulaire n°2018-04 qui précise les conditions de mise en œuvre des règles prévues par les annexes VIII et X au règlement général annexé à la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage. Elle constitue une actualisation de la réglementation spécifique applicable aux salariés intermittents du spectacle, telle qu’elle résulte des décrets du 13 juillet et du 16 décembre 2016 et désormais intégrée à la convention du 14 avril 2017 relative à l’assurance chômage consécutivement à sa signature. Ainsi, elle énonce les règles à mettre en œuvre à compter du 1er novembre 2017 pour les salariés intermittents du spectacle dont la fin de contrat de travail intervient à compter de cette date. Et annule et remplace la circulaire n° 2016-25 du 21 juillet 2016. Cliquez ici pour y accéder.

17 mars 2020 : Devant la crise sanitaire mondiale, le gouvernement déclenche le premier confinement.

6 avril 2020 :  Soit deux semaines plus tard, le Ministère de la Culture met en place un régime d’aides en faveur des artistes professionnels indépendants et des intermittents du spectacle

6 mai 2020 : Un mois et demi après, le Président de la République Emmanuel Macron annonce la mise en place d’une année blanche pour les intermittents du spectacle jusqu’au 31 août 2021.

Juillet 2021 : Prolongation de 4 mois de la durée d’indemnisation dite de l’année blanche du 31 août 2021 au 31 décembre 2021.